"muziek met gaatjes" (DE la musique en poinçonnant)
arthur & paula prinsen
in "keyframe",
journal de la "fair organ preservation society", n°3, 2012.
Nos plus sincères remerciements à David DINGWALL, l'auteur de cet article, qui non seulement a bien voulu nous autoriser à le publier sur ce site mais a aussi pris la peine d'y apporter quelques informations complémentaires pour TGCNC.
Arthur Prinsen (né en 1933) est une des plus importantes figures de l'industrie de l'orgue mécanique de la deuxième moitié du XXe siècle. Ensemble, avec sa femme Paula Martens, ils ont contribué de façon exceptionnelle et marquante à la préservation de la musique mécanique. A eux deux, ils ont produit des cartons de musique pour une très grande variété d'orgues de tous types, durant six décades. De plus, Arthur a construit des orgues nouveaux tout autant que restoré des instruments historiques et les a aussi montré au public. Le titre de cet article "Musiek Met Gaasjes" (La Musique en Poinçonnant) vient du nom d'une exposition qu'Arthur a organisé à Anvers en 1993, pour expliquer l'importance dans cette ville de l'héritage de l'industrie des fabricants d'orgues mécaniques et qui représente seulement une petite partie de l'illustre carrière d'Arthur. L' importante influence des Prinsen dans le domaine de la préservation de la musique mécanique a tristement été négligée et quelque peu oubliée du public. Mais seulement jusqu'à maintenant j'espère. Je suis ravi de pouvoir, à travers les très utiles courriels que j'ai échangés avec Arthur, construire un court résumé de sa carrière comme arrangeur de musique et créateur d'orgues.
Arthur a développé l'amour de la musique depuis l'enfance. Son premier instrument d'étude fut l'accordéon, à 9 ans. A partir de là, la musique jouera un rôle prédominant toute sa vie. Il a été à l'Ecole de Musique pour apprendre aussi la trompette, le saxo, le vibraphone et l'orgue Hammond. A partir de son adolescence, Arthur s'est mis à jouer dans des orchestres de danse, où il récolta le surnom de "Tuurke". Une des bandes avec lesquelles il jouait au début des années 50 et qui était particulièrement renommée en Belgique à ce moment-là était celle de Toto de Wandel. Elle accompagnait en live de nombreux artistes chaque semaine sur la radio belge qui s"appellait alors N.I.R. Il arrivait à Arthur de jouer régulièrement dans des orchestres de danse jusqu'à quatre fois par semaine ! tout celà en travaillant toute la journée comme responsable du garage d'une fabrique de tabac où il avait à diriger le personnel et gérer 63 véhicules .
On pourrait se demander si Arthur n'embrassa pas la profession musicale trop tard pour en faire une carrière de longue durée. Cette période coincida avec le déclin progressif de la popularité des orchestres de danse et l'avènement du rock and roll qui allait dominer le goût du public. En dépit de ce déclin, Arthur ne renonça jamais à l'industrie musicale. Sa faculté de jouer de nombreux instruments et de chanter lui permit de continuer à se produire. Plus tard dans sa carrière musicale, il fera partie d'un quatuor façon "Barber Shop" appellé "The Vocals". Ils ont enregistré des disques et se sont produit à la télé belge dans les années 80s, sans compter les nombreux concerts. Il est toujours un musicien actif et se produit régulièrement avec un orchestre de danse.
De comprendre la musique et de la jouer a toujours été de bon présage pour les arrangeurs professionnels de musique pour orgues mécaniques et il en a été de même pour la carrière d'Arthur. C'est dans les années 50, en jouant dans des orchestres de danse, qu'il a fait la rencontre d'Achiel van Wichelen, le chef d'un orchestre à succès en Belgique et dont le nom de scène était "Willy Rockin'". En se produisant en de nombreux endroits de Belgique, Arthur découvrit quelques-uns des grands orgues de danse qui se trouvaient souvent dans les bâtiments même où ils jouaient. Et c'est en causant avec Willy qu'Arthur découvrit que le père de celui-ci, Urbain van Wichelen, était un arrangeur professionnel et constructeur d'orgues et qu'il y a avait là une opportunité d'être pris en apprentissage pour l'arrangement. C'est ainsi qu'Arthur commença à travailler pour Urbain van Wichelen en 1958 et appris de ce dernier l'art de l'arrangement. Le tout premier carton qu'il créa fut une version de "Tulipes d'Amsterdam". Il travailla ainsi pour van Wichelen père durant plusieurs années ; celui-ci lui procurait des arrangements à faire et les cartons portaient la marque van Wichelen.
C'est en 1961 qu'Arthur et Paula montèrent leur propre entreprise, à Brasschaat près d'Anvers, produisant des cartons à musique et perforant les rouleaux. Paula était la responsable de la découpe des cartons avec entre autres une machine Bossman qui venait de l'usine Mortier et une autre qui avait appartenu à M. van Wichelen. Contrairement à ses prédecesseurs, Arthur ne se confina pas dans la fourniture de musique pour les orgues belges, mais fut vraiment un des premiers arrangeurs à penser à étendre son entreprise à l'international, quand ses collègues se contentaient de faire des affaires localement.
Je ne suis pas sûr que les Prinsen réalisèrent, quand ils commencèrent leur entreprise, combien serait grand l'impact de la demande anglaise. C'est difficile de croire maintenant que la clientèle anglaise dominait complètement le marché des cartons de musique. Le 1ier client d'Arthur en Grande-Bretagne fut David Barlow, propriétaire du Mortier de 101 notes "De Kluisberg". Très peu de temps après, il prit contact avec le collectionneur W.J.(Bill) Barlow. Ces deux premiers clients anglais avaient le même patronyme mais n'étaient nullement reliés ! Les nouveaux propriétaires et collectionneurs d'orgues étaient alors à la recherche de nouveaux arrangements pour leurs récentes acquisitions, particulièrement pour la raison qu'un nombre considérable de ces instruments fraîchement arrivés au Royaume-Uni provenaient du continent. Ils avaient un répertoire de pièces très connues dans leurs pays respectifs mais complètement ignorées en Angleterre. Il fut donc demandé à Arthur de fournir de la musique correspondant d'avantage aux goûts britanniques : de très nombreuses marches, des pièces légères classiques et beaucoup de chansons du hit-parade de l'époque. Ces chansons étaient au goût du jour non seulement pour les possesseurs d'orgues, mais aussi pour tous les amateurs anglais et le public général.
L'entreprise de la famille Prinsen s'agrandit donc rapidement en un temps relativement court, dû à l'urgence de la demande de nouveaux cartons pour orgues mécaniques. L'Age d'Or de leur production serait grosso modo du début des années 70 jusqu'au milieu des années 80. Aux alentours de 1970, il y avait 4 machines en activité pour répondre à la demande, 3 pour poinçonner les cartons et une pour les rouleaux. On peut dire qu'ils ont produit plus de musique pour orgue mécanique qu'aucune autre personne sur la planète, au passé et au présent ! Ils acquirent une excellente réputation parmi les possesseurs d'orgues au Royaume Uni, du fait que les cartons étaient faits, du début à la fin, en un temps relativement court. Les clients étaient toujours sûrs que leur commande serait honorée, contrairement à un ou deux autres arrangeurs qui acquirent une réputation inverse ! Avant Internet et le courrier électronique, il était très important pour les personnes dans le business des orgues de pouvoir compter sur le Key Frame journal de la F.O.P.S. dont tant d'éditions anciennes présentent les annonces des arrangeurs. Dans les années 60s, plusieurs autres arrangeurs offrirent, comme Arthur, leurs services au marché britannique croissant.
Le fait de pouvoir fournir de la musique pour à peu près toutes les tailles et tous les systèmes d'orgues fut décisif pour l'expansion de leur compagnie. Arthur a sans doute arrangé de la musique pour environ 400 formats différents ! Dans les années 1970s et 80s ils participèrent régulièrement à la Great Dorset Steam Fair. Feu Neville Rose leur fit de la publicité en en parlant, ce qui encouragea les propriétaires d'orgues qui voulaient leur passer de nouvelles commandes à les rencontrer directement dans la tente d'accueil de la F.O.P.S. où ils se tenaient. Cela s'avéra très efficace car bien des clients venaient à la foire,soit avec leurs orgues, soit en visite et une grande partie des affaires put ainsi se traiter directement.
.C'est vraiment à la fin des années 60s que l'entreprise des Prinsen devint mondiale, quand le marché américain de musique mécanique devint florissant. Bien des collectionneurs américains bénéficièrent alors des conseils d'Arthur pour acheter des instruments, dont quelques uns étaient les siens propres. Ils s'intéressaient aux orgues mécaniques antiques et donc Arthur leur vendit bon nombre d'orgues de danse et de foire. On peut attribuer à Arthur comme titre de gloire le fait que l'on retrouve ses arrangements dans deux productions Walt Disney : "Half a Sixpence" et "Chitty Chitty Bang Bang". La musique fournie était utilisée en fond musical pour des scènes de manège forain. On y voyait "Sadie Mae", un orguie de foire De Kleist, qui faisait partie du "Gay 90s Museum" de Paul Easkins, à St Louis-Missouri. Cet orgue devint ensuite la propriété de Disney World et fut l'objet de nombreux enregistrements incluants les arrangements d'Arthur. L'un d'eux, produit par les Studios Disney, s'appelle "America on Parade" et sortit pour commémorer le bicentenaire de l'Indépendance américaine.
Le business comprenait aussi un côté "construction d'orgues" et Arthur produisit des instruments nombreux et variés. Les plus petits étaient des orgues à manivelle de 32 notes et les plus grands des 89 notes avec un changeur qui pouvait les porter à 101 notes. L'un des formats les plus populaires était son propre orgue de rue à 49 notes. Avec un nouvel orgue il faut de la musique et naturellement Arthur en fournit abondamment pour ces instruments, qui furent achetés par bien des gens différents et que l'on retrouve sur tous les continents. Ils sont tous des orgues mécaniques traditionnels, construits en série d'après la tradition ; quasiment sans avoir recours aux méthodes modernes de construction d'orgues et de production de musique.
Par le biais des orgues mécaniques, Arthur fit la connaissance de bien des amis et relations de gens qui s'étaient fortement impliqués dans l'industrie belge de la musique mécanique. Parmi les amis intimes d'Arthur on peut compter Oscar Grymonprez avec qui il vendit des orgues en partenariat quelques années. Il rencontra aussi la plupart des arrangeurs de musique de Belgique et eut des liens d'amitié aussi bien avec Eugène Peersman qu'Albert Decap, tous deux à la fois maîtres et pratiquants dans l'art de faire des arrangements de très bonne musique pour les orgues à cartons qui dominaient encore en Belgique. Le père d'Albert Decap, Léon, était aussi un très bon ami d'Arthur et l'un des légendaires "Gebroeders Decap Antwerpen" (Frères Decap d'Anvers). On lui doit d'avoir transmis à Arthur bon nombre de savoir-faire pour ce qui touche à la fabrication d'orgues. Léon travailla pour les Prinsen quelques années en tant que constructeur.
Un des amis les plus proches d'Arthur était Arthur Bursens, un parent de Paula. Au même titre que Léon Decap, M. Bursens lui enseigna beaucoup sur la partie "construction" de cette industrie. Pendant plusieurs années Arthur fut responsable de la production de nouveaux rouleaux perforés pour la série d'orgues "Arburo" que construisait M. Bursens. Ces rouleaux pour "Arburo" étaient toujours fournis par quelqu'un d'extérieur à l'usine Bursens et jamais produits "maison". Auparavant, c'était Urbain van Wichelen qui en avait été le chef fournisseur pour "Arburo" et Arthur hérita de ce travail après que M. van Wichelen soit tombé malade. Il fournit aussi la musique pour une série d'orgues de rue (52 et 68/69 notes) que M. Bursens construisit plus tard dans sa carrière. Arthur aida finalement M. Bursens dans toutes ses activités quand ce dernier eut une attaque ; c'est grâce à lui que M. Bursens put continuer à produire et satisfaire la demande des clients pour de nouveaux orgues, attirés par l'excellente réputation de la maison Bursens.
Sans doute un des partenariats d'Arthur les mieux connus en matière d'orgues mécaniques, fut celui établit avec son vieil ami Jef Ghysels. C'est en 1973 que Jef fit l'acquisition d'un orgue de danse Fasano de 76 notes, très rare et magnifique, qui avait survécu contre toute attente presque totalement dans son état d'origine (1912). Il était cependant assez mal en point quand Jef l'acheta et nécessitait une complète restauration pour se remettre à jouer. C'est Arthur à qui fut confiée cette restauration qui fut exécutée avec le plus garnd soin. Eusèbe Fasano avait produit très peu et ses instruments survivants étaient extrêmement rares. On devrait en être reconnaissant, tant à Jef qu'à Arthur, d'avoir sauvé et préservé cet orgue important, qui est si représentatif de la première industrie d'orgues de danse. Ce Fasano fit partie de la collection de Jef jusqu'en 2007, quand le Gouvernement de Flandres l'acheta, ainsi que d'autres, pour fonder une collection nationale de musique mécanique en Belgique. Ce projet ambitieux a malheureusement été en suspens jusqu'à présent, mais on espère toujours qu'un site permanent sera trouvé pour que la collection puisse être présentée au public de façon permanente.
Suivant la restauration du Fasano, Jef acquit encore d'autres instruments pour agrandir sa collection et Arthur s'occupa de la restauration de tous ces instruments, incluant entre autres un Mortier de 92 notes de 1923. Appellé "Continental Superstar" un enregistrement en fut fait en 1977 . Arthur et Jef ensemble acquérirent aussi quelques orgues, dont le plus notoire était "Frangema", un Decap de 121 notes de 1946. Là aussi, un enregistrement en fut fait par la Mechanical Organ Owners Society en 1985.
(voir ci-dessous la vidéo d'une expo à Bruxelles, 9 oct.2008-8 mars 2009, présentant quelques-uns des instruments de la Collection Prinsen-Ghysels dont l'article parle ici et ci-après)
Etant charpentier de métier, Jef a aussi contribué à de nombreux projets de construction d'orgues avec Arthur, notamment les sculptures de nombreuses façades nouvelles produites par les Prinsen et auparavant par les Bursens.
En plus des arrangements musicaux, de la construction et de la restauration d'orgues, Arthur a aussi collectionné quelques orgues de temps en temps. Le premier qu'il acheta fut un Mortier "Baby" de 68 notes et il posséda aussi un des nombreux orgues de rue de 68 notes construits par son bon ami Arthur Bursens. C'était un des premiers exemplaires d'orgue de ce type. C'est à St Niklaas, au nord d'Anvers, qu'il posséda sa plus large collection, après qu'il y ait déménagé son entreprise en 1980. Auparavant, Arthur avait déjà pu acquérir quelques excellents orgues mécaniques pour créer une collection qu'il voulait très diversifiée. C'est d'ailleurs ce qu'il m'a dit, que contrairement à bien des collectionneurs qui préfère se focaliser sur un seul type d'orgues, ou sur une ou deux compagnies, il avait en tête une collection où chaque orgue représenterait un constructeur. Et c'est ainsi que sa collection s'élargit. On pouvait voir à St Niklaas beaucoup d'orgues de valeur, dont par exemple un Limonaire de 92 notes qui avait appartenu au collectionneur belge Jean Staelens et au collectionneur anglais Arthur Gardener, comme étant un exemplaire rare et impressionnant des orgues de foire les plus grands qu'ait construit la firme Limonaire.
William J. Barlow mourut en 1976 et sa veuve mis en vente la totalité de sa collection l'année suivante. Arthur acheta 3 orgues de la collection Barlow. L'un était un Gavioli de 89 notes, avec la façade d'un Marenghi qu'Arthur restaura et revendit en 1980 au collectionneur passionné Goff Radcliffe en Angleterre. Les deux autres orgues vinrent accroître la collection à St Niklaas. Il s'agissait d'un orgue de danse Hooghuys de 83 notes "Prince Carnival" maintenant devenu propriété de la ville de Gerardsbergen (l'ancienne Grammont), siège de la dynastie de facteurs d'orgues Hooghuys ; et enfin le plus célèbre de ces orgues de la collection Barlow était certainement le Gavioli "Troubadour" de 87 notes.
Arthur acquit aussi en 1977 le très impressionnant Gaudin 114 notes, qu'il acheta d'un constructeur d'orgues en Angleterre. Cet orgue magnifique est un très rare exemple d'un orgue de danse parisien des années 1920s et est l'un des 2 seuls 114 notes Gaudin de danse qui ait survécu dans son état d'origine. Il a 19 registres, plus xylophone et cloches tubulaires. Sa façade impressionnante était miraculeusement toujours intacte et avait valu à elle seule que l'orgue ait été gardé. Il fut entièrement restauré par Arthur en 3 ans, de même que la redécoration de la façade qu'il entreprit également. On trouve des enregistrements de cet orgue sur disque, fait par la Mechanical Organ Owners Society en 1985. Le Gaudin fait maintenant partie d'une collection privée en Amérique.
Parmi les autres orgues de la collection de St Niklaas, se trouvait un Wellershaus de 70 notes, un Mortier de 92 notes et le Decap "Flamingo" de 105 notes. En plus des orgues mécaniques, la collection de St Niklaas comprenait aussi un orgue de théâtres Compton à 3 fois10 rangs manuels. Avant qu'Arthur ne l'achète, il avait été installé à Penzance, en Cornouailles (GB). Par Nigel Turner, qui était alors le propriétaire et manager du Turner's Musical Merry go round de Northampton, l'orgue fut expédié en Belgique et incorporé à la collection de St Niklaas en l'espace de seulement deux semaines.
Ces instruments formaient la base de la collection d'orgues ouverte au public, principalement des visites organisées en bus. Arthur et Paula s'occupèrent de cette activité très prenante tout en répondant à la demande d'arrangements de musique et à la construction d'orgues, ce qui semblait assez dur à mener de front. Ils avaient souvent à contenter deux groupes de visiteurs par jour, tout en gardant une priorité pour le reste du travail. Arthur faisait le guide, faisant jouer les instruments et se mettant lui-même au clavier du Compton, tandis que Paula s'occupait du bar et du magasin de souvenirs ! Quand la collection de St Niklaas fut fermée au public en 1987, l'entière collection fut petit à petit vendue à d'autres collectionneurs d'Europe, des Etats Unis et du Royaume-Uni. Quelques-uns des orgues mécaniques de la collection furent vendus à Nigel Turner pour sa propre collection du Turner's Musical Merry go round, dont le Gavioli "Troubadour" (ces orgues ont donc tous été vendus).
Comme nous l'avons dit au début de cet article, un évènement dans lequel Arthur s'impliqua grandement fut l'exposition "Muziek met gaatjes" (Music by holes), qui s'est tenue en 1993 au Centre des Fêtes d'Anvers. Durant tout un mois ce festival célébra l'héritage anversois de musique mécanique, ce qui coincidait avec l'année où la ville fut nommée Capitale Culturelle Européenne. Arthur s'occupa de l'organisation de l'expo et de la présentation des instruments, de même qu'il donnait trois visites guidées par jour durant les cinq semaines que dura l'exposition. Parmi les choses qui étaient montrées il y avait bien sûr plusieurs orgues de la collection de Jef Ghysel, plusieurs de la collection des frères Decap d'Anvers, et bien d'autres venant de différents collectionneurs, dont l'orgue de 89 notes qu'Arthur avait construit lui-même.
C'est en 2010 que prit fin la longue carrière des Prinsen, qui avaient consacrés toute leur vie aux orgues. Pour en marquer l'évènement, il serait ici tout à fait approprié de décrire le dernier projet d'Arthur en tant que facteur d'orgues.
Le "Primar" est un orgue de concert de 84 notes qu'Arthur a construit en 2008. Le nom de cet orgue est fait des deux noms d'Arthur PRIsen et de sa femme Paula MARtens. Il joue avec des cartons et s'inspire librement de l'orgue de rue bien connu "De Waterpoorter" ; son design et sa conception sont d'Arthur lui-même. il possède un son particulier, qui est non seulement caractéristique des orgues de rue mais aussi des instruments construits en Belgique. La construction de cet orgue s'est faite petit à petit, sur une année environ, et s'est effectuée chez lui, travail qu'il alternait avec les arrangements musicaux et la restauration que continuaient de lui demander des clients. Arthur m'a révélé qu'il avait déjà à sa disposition environ 20% des parties qui constituent le "Primar" avant qu'il ne commence ce travail, dont la partie centrale du meuble. Le reste de l'orgue fut entièrement créé de rien. Cela inclut le clavier, la boîte à registres, la soufflerie, les percussions et différentes commandes et la plus grande partie des tuyaux. Le fronton de l'orgue fut sculpté par Jef Ghysels, avec son habituelle très grande maîtrise, de même que les statues du chef de clique et des deux sonneurs de cloches. La peinture et la décoration de la façade furent faites par Arthur lui-même, ainsi que l'application des dorures à la feuille.
Cet orgue contient 640 tuyaux, qui en font un instrument assez grand et polyvalent, surtout pour un 84 notes. Il a 15 registres et comprend 23 melodies, 20 contre-mélodies, 10 accompagnements et 8 basses. La percussion est composée d'une caisse basse et d'une claire, woodblock et cymbale. (cf. la composition complète de cet orgue en fin d'article ). Il y a quelques 600 mètres de cartons de musique qui vont avec l'orgue, dont Arthur a fait la plupart des arrangements. Parmi ses pièces préférées on trouve "Trumpeter's Holidays" ,"Typewriter Song" ( vous pouvez les écouter toutes deux sur notre page PRIMAR à vendre), et beaucoup de marches anglaises. Il est important de remarquer de c'est Arthur qui a fait la sélection finale de la musique pour le "Primar" et que ce carton comprend 4 airs : "Boum", "La Mer", "Premier Rendez-vous" et "Je suis seul ce Soir".
Alors que les Prinsen ont prit officiellement leur retraite, j'ai eu la bonne surprise de découvrir qu'il était en fait bien difficile de résister à la tentation de vivre par les orgues mécaniques ! Les propriétaires d'orgues continuent de demander à Arthur de réparer et accorder leurs instruments. Malheureusement il ne produit plus de musique pour orgue puisqu'il s'est séparé de ses machines à poinçonner en 2010. Sous bien des aspects et après avoir passé plus d'un demi-siècle à vivre de la production de ces cartons de musique, celà a été bien difficile pour Arthur et Paula de tourner la page. Un peu tristement le "Primar" représente vraiment le chapitre final de la longue carrière d'Arthur, mais n'en marque pas moins une étape importante de l'histoire de l'industrie des orgues mécaniques en Belgique, qui mérite d'être conservée pour la postérité. Pour terminer, je dirais que mon opinion personnelle est qu'il n'y a actuellement aucune autre personne vivante qui ne mérite plus qu'Arthur et Paula un quelconque hommage pour avoir passé toute une vie de travail bien fait dans la musique mécanique. J'espère que les amateurs d'orgue du monde entier se joindront à moi pour remercier Arthur et Paula de leur énorme contribution dans ce domaine et pour leur présenter nos meilleurs souhaits pour ce qui, j'espère, sera une très longue et très heureuse retraite.
Détails de la composition du "Primar" ci-dessous
Mélodie :
Violon Forte (2 rangs), Violon Piano (2 rangs), Unda Maris (2 rangs), Bourdon (2 rangs), Carillon (3 rangs), Flûte Harmonique (1 rang), Glockenspiel.
Contre-mélodie
Violoncelle (2 rangs), Violoncelle basse (2 rangs), Vox Celeste (2 rangs), Trompette (1 rang), Flûte 8 (1 rang), Saxophone (2 rangs).
Accompagnement
3 rangs
Basses
4 rangs
Trombone Basse (1 rang)
Cet article a été publié dans le Journal "Keyframe" (n°3, 2012) de la Société de Préservation des Orgues de Foire (F.O.P.S.). Cette version de l'article a connu quelques modifcations par rapport à celle parue dans le "Keyframe".